Manifeste de l'Endogirl

1/10/2013

Ce document est fait pour aider les femmes qui ne savent plus comment expliquer ce qu’elles ressentent. Si on vous l’a mis entre les mains, prenez le temps de le lire soigneusement, de le relire éventuellement, d’y réfléchir de temps en temps, et pourquoi pas, d’en parler avec celle qui vous l’a donné…


"Comme 176 millions de femmes à travers le monde, je souffre d’endométriose et il est temps que tout le monde autour de moi sache ce que c’est et que cette maladie sorte de l’ombre dans laquelle elle m’enferme.

Qu’est-ce que l’endométriose ?

La définition scientifique est la suivante : « Affection gynécologique caractérisée par la présence de fragments de muqueuse utérine (endomètre) en dehors de leur localisation normale. » (source : larousse.fr/larousse médical) mais concrètement qu’est-ce que ça veut dire ?

Ça veut dire que certaines cellules de l’endomètre (tissu qui tapisse l’intérieur de l’utérus et qui évolue en fonction du cycle hormonal) vont s’installer ailleurs dans mon corps et qu’en saignant en même temps que l’endomètre pendant les règles, vont abîmer les parties sur lesquelles elles se posent. Ça peut être les ovaires, les trompes, l’intérieur de l’utérus, ce qui est le plus classique. Mais malheureusement, ça peut aussi être le rectum, la vessie, les uretères, les intestins et même la peau, les poumons ou le cerveau ! Une fois que la cellule s’installe ailleurs, elle crée au choix adhérences ou kystes… Et ça fait très mal…

Il ne faut pas oublier que c’est la première cause de stérilité chez la femme, ni que, même si cette maladie est dite « bénigne », elle est pourtant incurable. Ce qui signifie qu’on ne meurt pas d’endométriose (mais de complications liées à celle-ci, oui !) mais qu’elle ne se guérit pas. Elle est en nous à vie. Elle pourra revenir ou pas, bien malin celui qui pourra le prédire…


Mais au final, qu’est-ce que ça fait d’avoir une endométriose ?


Au cours du cycle menstruel, les symptômes peuvent être :

  • l’accroissement de la quantité de sang / pertes abondantes
  • des cycles avec des règles longues : plus de 8 jours
  • des règles précoces (avant 11 ans)
  • des dysménorrhées (menstruations douloureuses), la douleur survenant généralement au deuxième jour des règles, puis allant en s’aggravant progressivement
  • des douleurs plutôt localisées sur le côté du bassin
  • une sensation désagréable et profonde
  • des difficultés à l’émission des selles (parfois) qui devient à son tour douloureuse.


D’autres symptômes peuvent survenir quelquefois, plutôt pendant la phase située autour de l’ovulation (parfois sans aucun rapport avec le cycle menstruel). Il s’agit de :

  • douleurs déclenchées par un changement de position (s’asseoir)
  • douleurs des membres inférieurs ou de la vessie (peuvent être révélatrices)
  • douleurs profondes pendant les rapports sexuels (dyspareunies) avec une tendance à irradier vers l’arrière du bassin
  • douleurs dans le cerveau ou les poumons, d’origine endométriosique (dues à la migration de fragments de muqueuse utérine : exceptionnelles)
  • problèmes urinaires.

L’apparition des douleurs, leur répétition et leur caractère progressif peuvent mettre sur la voie du diagnostic d’endométriose. 

(source : vulgaris-medical.com)

En réalité, c’est très difficile de répondre à ça, parce qu’il y a des cas dits légers où les femmes atteintes ne souffrent que très peu ou pas, et qui verront leur maladie disparaître grâce à une grossesse, une opération ou un traitement. Celles-ci ont beaucoup de chance.

Mais il y a aussi des cas lourds et très lourds qui malheureusement vont enchaîner les rechutes les unes après les autres, malgré les mêmes opérations, les mêmes traitements que les femmes précédentes et parfois même malgré plusieurs grossesses.

Pour celles qui ont ce stade d’atteinte, la vie tourne vite au cauchemar, et comme cette maladie est très peu connue et surtout très mal connue, en plus de toutes les douleurs physiques et des blessures psychologiques qu’elle inflige, elles devront alors affronter l’incompréhension du monde qui les entourent, et parfois même, la suspicion…


Mais comment vous faire comprendre l’ampleur des douleurs ?


Mesdames, pensez à ce merveilleux moment que nous vivons toutes une fois par mois, qui s’appelle les menstruations. Pensez, pour les plus chanceuses d’entre vous, à cette pesanteur que vous avez au plus profond de vous, et pour les moins chanceuses, aux douleurs que vous ressentez, à la fatigue que ça vous cause, aux médicaments que vous êtes obligées de prendre pour vous soulager et à ce que ça vous empêche de faire à ce moment-là, dans votre vie.

Certaines ne ressentent rien, les biens heureuses et alors il vous faudra lire mes explications aux hommes pour comprendre. Mais les autres et je sais par expérience que je m’adresse hélas à la grande majorité des femmes, souffrent au moment de leur règles. Un peu ? Beaucoup ? Énormément… Imaginez alors que cette douleur constante que vous connaissez quelques jours par mois est décuplée, voire multipliée par cent ou mille ou plus encore, et qu’elle s’installe dans votre vie, pour être ressentie chaque jour qui passe. Imaginez la fatigue que vous ressentez qui s’intensifie et ne vous lâche plus d’une semelle. Imaginez un million de petites aiguilles qu’on vous planterait dans l’utérus ou les ovaires, ou bien qu’on vous déchire le bas ventre. Imaginez, qu’à ça s’ajoutent des pics de douleurs, un peu comme les contractions de l’accouchement, qui sont tellement aigus que vous pourriez en vomir, ou pire, vous évanouir de douleur. Imaginez que ça ne se passe pas tous les 28 jours, mais 365 jours par an…

Quant à vous messieurs (et mesdames), petits chanceux qui passez à côté de ces bonheurs, pensez à la pire gastro que vous ayez eu dans votre vie, ou à des douleurs d’infection urinaire, de pyélonéphrite, de colique néphrétique ou vésicale… et envisagez d’avoir ces douleurs et cette fatigue à n’importe quels moments de votre vie, tous les jours, sans aucune interruption…

Et maintenant ladies and gentlemen, essayez d’imaginer votre vie ainsi, avec ces douleurs si intenses et répétitives que vous êtes obligés de prendre des anti douleurs de plus en plus puissants et de plus en plus fréquemment, de vous rendre aux urgences ou chez SOS médecin pour avoir une injection de dérivé de morphine afin de rendre la douleur plus tolérable pour quelques heures…

Imaginez ce que ça peut faire de vivre ça à chaque minute de votre vie. De vivre pire encore au moment des règles, pire au moment de l’ovulation, pire en allant uriner ou à la selle, et même pire, au moment si intime des relations sexuelles.

Auriez-vous la force de continuer à travailler ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force de vous occuper de votre maison, de faire vos courses, d’assurer une vie de couple, de famille, d’être un bon parent alors que parfois vous n’arrivez même plus à tenir debout tellement la douleur est violente ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force de supporter l’inquiétude permanente de vos proches, ou de dire encore et encore à votre enfant « non je ne peux pas faire ça avec toi, je suis trop fatiguée » et de l’entendre vous répondre « mais t’es tout le temps fatiguée !!! » ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force de subir les examens médicaux à répétitions et extrêmement douloureux sans jamais savoir ce qui vous attend, sans comprendre pourquoi vous souffrez autant, sans même savoir si ça va s’arrêter un jour ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force d’affronter certains médecins suspicieux auxquels vous devriez démontrer que vous souffrez dans votre corps et pas dans votre tête ou pire, que vous n’êtes pas une feignasse en mal d’arrêt maladie ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force de supporter une longue litanie de traitements qui vous détraquent, vous mettent sous ménopause artificielle alors que vous n’avez pas trente ans, vous fragilisent encore plus, vous fatiguent encore plus, vous énervent encore plus et vous font beaucoup grossir sans aucune garantie de résultat ni aucune amélioration au final ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force de supporter que votre famille, vos amis, vos collègues de travail et même votre mari parfois, vous tournent le dos parce qu’ils ne vous croient pas quand vous dites que vous souffrez ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force d’expliquer pourquoi vous devez encore annuler tel projet ou telle sortie, ou tel rendez-vous parce que soudain la douleur est trop forte ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force de sourire ? D’afficher un visage serein ? De taire votre souffrance ? De taire vos blessures ? De ne jamais vous plaindre ? Auriez-vous la force de vivre malgré tout ?…

En en plus de cette longue liste, comme une cerise amère sur un gâteau déjà trop lourd, après toutes les souffrances, tous les traitements plus lourds les uns que les autres, toutes les opérations, auriez-vous la force d’entendre que probablement vous ne pourrez pas avoir d’enfant ? Auriez-vous alors la force de vous lancer dans le long dédale de l’Aide Médicale à la Procréation ? Ou pire, auriez-vous la force de subir une ablation de l’utérus, des ovaires, des trompes parce que plus rien ne marche alors que vous n’avez jamais eu d’enfant et que vous n’avez même pas atteint la trentaine ? La plupart d’entre nous le font.

Auriez-vous la force d’entendre qu’une endométriose ce n’est pas si grave que ça et qu’il faudrait peut-être vous écoutez un peu moins ?

Si la plupart d’entre nous font tout ça, c’est parce que nous n’avons pas le choix. Nos vies sont devenues cette longue liste d’horreurs. Une succession de douleurs, de mauvaises nouvelles, d’échecs de traitements, d’humiliations, d’espoirs déçus…

Pourtant, chacune de nous encaisse, pleure puis se relève, en espérant encore que demain ça ira mieux…

Certaines décident aussi de mettre fin à cette vie étrange parce qu’elles ne supportent plus la douleur, l’abandon, la suspicion, qu’elles se savent incomprises et n’ont plus la force de lutter…

J’écris ce texte en pleine nuit, parce la douleur m’empêche de dormir. Pourtant j’ai pris des médicaments plutôt forts, comme chaque soir et j’en ai repris encore dans la nuit, après avoir mangé parce que mon estomac ne les supporte plus s’il est vide. Et en plus, cette nuit mon fils est malade, donc je le veille. Et tout à l’heure quand il se réveillera, bien que je n’aie pas fermé l’œil de la nuit et malgré la douleur, le manque de sommeil et la fatigue, je vais l’emmener chez le médecin, le choyer, le dorloter… Demain ou après-demain, il faudra que je lui annonce que je vais me faire opérer, encore, parce que le dernier traitement n’a pas marché. Il faudra que je reste un moment à l’hôpital, loin de lui et quand je reviendrai, je serai encore plus fatiguée qu’avant. Et il devra l’accepter, parce que nous n’avons pas le choix…

Pendant ce temps, mes amies Endogirls, comme nous nous sommes surnommées entre nous, vivent aussi leurs lots de drames : celle-ci vient d’apprendre une récidive quelques mois seulement après une très grosse opération qui a failli la tuer, celle-là sait qu’elle ne pourra jamais porter d’enfant et que la maladie est toujours vivace en elle, celle-là a laissé tomber l’espoir d’aller mieux parce qu’elle ne supporte plus d’entendre les médecins dire qu’ils ne savent pas quoi faire, celle-ci encore se remet tout doucement d’une hystérectomie totale alors qu’elle a une vingtaine d’années et aucun enfant, celle-là espère que sa grossesse ira à terme après être devenue une pro de laFIV, et cette autre espère juste que la grossesse commence vraiment après cette FIV si fatigante…

Ce que nous avons toutes en commun, c’est de vivre cette maladie et d’avoir décidé une fois pour toutes que notre vie serait quand même belle et que nous continuerions à sourire.

Ce que nous avons toutes en commun, c’est de vivre des drames absolus et des situations extrêmement difficiles, mais de les affronter en gardant la tête haute tout en sachant pertinemment que pendant ce temps nous sommes jugées et salies, parfois même par des proches.

Ce que nous avons toutes en commun, enfin, c’est de vouloir faire avancer les choses, ensemble. Et c’est dans ce but que « Lilli H. contre l’Endométriose » a été créé. Nous voulons :

informer les gens pour qu’enfin l’endométriose soit connue de tous et ainsi faire cesser les jugements hâtifs et humiliants, faire savoir et reconnaître nos combats de chaque jour

diminuer le temps de diagnostic qui est aujourd’hui de 7 ans en moyenne en faisant que toutes les femmes soient sensibilisées et informées pour qu’elles puissent prendre les choses en main et refuser de s’entendre dire « mais c’est normal de souffrir pendant ses règles ! »

être prises en charge médicalement ET administrativement tel qu’on le mérite, c’est à dire en tant que malade souffrant d’une pathologie lourde, invalidante et qui s’aggrave lorsqu’elle n’est pas traitée rapidement et correctement

en cas d’infertilité, faire en sorte d’écarter rapidement la possibilité d’endométriose, afin de ne pas perdre de longues et précieuses années de tentatives et d’espoir vains.


Dernière petites précisions…


Si vous connaissez une femme souffrant d’endométriose et que vous ne savez pas comment agir avec elle, ne soyez pas compliqué. Parfois l’écouter, juste l’écouter, et lui dire « je comprends, ne t’inquiète pas » sera le plus précieux des cadeaux. L’encourager, aussi. Et si vraiment vous êtes fort(e), alors vous pouvez même pousser jusqu’à lui proposer votre aide pour le quotidien, pour aller à la pharmacie, l’emmener chez un médecin ou tout simplement faire quelques courses…

Mais jamais au grand jamais ne lui dites :

« Tu as encore mal ? » au risque de vous entendre répondre : pas vraiment, mais j’aime tellement me plaindre…

« Mais tu es toujours fatiguée ! » Ah tu as remarqué toi aussi ? En même temps, c’est un des symptômes de la maladie, la fatigue chronique… Ou bien « Si tu dormais moins, tu aurais peut-être moins sommeil ! Le sommeil appelle le sommeil c’est connu ! » Moui, mais je vais quand même pas essayer…

« Comme d’habitude tu annules… et toujours à la dernière minute… » Dites-vous que plus on vous prévient tard, plus on avait envie de croire qu’on pourrait quand même venir.

« Mais ?!! Tu es encore en arrêt ?! Mais comment fais-tu pour te faire prescrire autant d’arrêts par ton médecin ?? » Je le soudoie évidemment ! Quel médecin arrêterait pour quelques douleurs de ventre…

« Oooh ! Arrêtes de te plaindre !! Tu n’as pas un cancer non plus !! » Dans les faits, c’est vrai, sur la forme j’en suis pas loin, mais heureusement l’endométriose reste bénigne…

« Ah oui, j’ai connu une fille qui en avait, mais c’est passé très vite » Soit elle a menti, soit elle a eu du bol. Et sinon, je veux bien sa recette…

« Quand est-ce que tu fais un enfant ? » Han ! J’aimerais bien savoir moi aussi… Quand la nature voudra…

Je laisse le soin à l’endogirl qui lit ou vous fait lire d’y ajouter celles qu’elle ne supporte plus d’entendre :





Et je vous laisse maintenant le soin de réfléchir, et pourquoi pas de nous rejoindre…

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