La guitare sèche et le balcon (part II)
5/20/2013
Au début, c'était les
murs roses et oranges qui avaient retenu son regard une seconde. Puis
le bazar qui régnait partout, du sol au plafond où des tentures
avaient été attachées. Puis la musique qui s'échappait des
fenêtres ouvertes. Enfin, lorsque le printemps fût venu, ce fut
l'aménagement du petit balcon qui retint son attention. La personne
qui vivait là avait transformé cet îlot de béton et de ferraille
moderne en un cocon de verdure, y installant multitudes de plantes
vertes, de fleurs aux couleurs toutes plus vives les unes que les
autres, de coussins énormes et dodus et d'un gigantesque parasol
digne des plages paradisiaques affichées dans les vitrines des
agences de voyages. Depuis, lorsque Max regardait par ses fenêtres,
puisqu'elles donnaient toutes du même côté et donc sur la même
façade d'immeuble, il revenait toujours à cette tâche de gaieté
et pouvait y rester accroché de longues minutes à observer ce
mélange de couleurs. Lui qui avait un appartement clair, sobre et
silencieux, sans rien de superflu, ne pouvait s'empêcher d'être
séduit par cette explosion de couleurs, de bruits, de foutoir...
Enfin, un jour, il découvrit qui avait commis tout ça. Et
l'expression être séduit pris tout son sens...
L'enfer c'est les
autres...
Sauf quand les autres
c'est un petit bout de paradis...
La jeune femme qui vivait
là était la définition de la félicité incarnée. Elle était
aussi rayonnante que son appartement, aussi exaltée que sa musique,
aussi attrayante que ses coussins et aussi ostentatoire que son
parasol. Tout comme Max, son univers extérieur reprenait précisément
son univers intérieur mais à l'opposé le plus extrême de lui. A
partir du moment où il l'aperçut, sa vie bascula. Il faut dire pour
être honnête que depuis que les murs avaient été repeints il
avait cherché à la voir, pour comprendre quelle personne pouvait
bien avoir imaginé une telle chose. Étrangement, il n'y arriva pas
avant de longs mois. Ce fût le balcon qui lui apporta la réponse un
beau matin de printemps. Il n'avait rien vu de la mise en place du
décor, mais se retrouva nez à parasol en ouvrant ses volets
roulants. Il faisait gris et froid, et les nuages étaient bas dans
le ciel, mais soudain, en face de chez lui, sur 10m² en longueur,
c'était l'été. Il était en train de chercher à savoir s'il était
bien réveillé lorqu'une petite jeune femme sortit par la porte
fenêtre et vint s'installer, ou plutôt se laisser tomber dans
l'amas de coussins. Elle était brune, avec une épaisse chevelure
bouclée, un visage tout fin, de grands yeux et une large bouche, une
peau très claire et était aussi fine que petite. Elle était
emmitouflée dans un grand châle jaune probablement fait main ou
très ancien tant il semblait usé et déformé, et portait sur son
crâne de larges lunettes de soleil. Une fois installée dans ses
coussins vert pomme turquoise et fushia, elle rabattit ses lunettes
sur ses yeux et posa comme si elle était en pleine séance de
bronzage, le pied s'agitant au rythme d'une musique que Max
n'entendait pas. Il resta encore un moment à la regarder, essayant
de comprendre ce qu'elle faisait, mais elle ne bougea pas d'un iota.
Il se décida donc à aller prendre son petit déjeuner. Sauf qu'il
ne put se concentrer sur son livre parce que ses yeux retournaient
sans cesse à la tâche jaune en face de chez lui. Il se prépara les
yeux rivés sur la jeune femme qui ne bougeait rien d'autre qu'un
peton enveloppé d'une énorme chaussette au bout d'une jambe croisée
et en l'air au dessus de l'autre. Max travaillait ce jour-là, et il
finit donc par quitter son appartement. Mais il y revient une minute
plus tard et ouvrit une de ses fenêtres pour entendre la musique.
Comme il le pensait, c'était une musique gai et entraînante qu'il
découvrit, et les paroles étaient en créole. Cette fille avait
juste décidée d'être en vacances, ou en tout cas au soleil, dans
sa tête et dans son corps. Le monde autour était frigorifié et
abattu, mais elle avait refusé le marasme ambiant et était partie en
vacances sur son balcon. Rien que pour ça, elle avait gagné toute
l'estime de son voisin d'en face.
Les jours qui suivirent
la jeune femme ne réapparut pas. Max avait beau avoir les yeux rivés
sur son appartement, il voyait bien les volets monter le matin et
descendre le soir, mais aucune silhouette pour les manipuler. Le
balcon était resté tel quel, la musique s'était tu, le bazar
n'avait pas bougé d'un iota. Il finit par penser qu'elle n'était
peut-être pas la propriétaire des lieux mais juste une amie de
passage, réellement en vacances, et petit à petit il cessa de
l'attendre.
Un soir, alors qu'il
rentrait chez lui, il vit en ouvrant sa porte une luminosité un peu
trop importante pour un appartement plongé dans le noir. Il se
précipita dans la grande pièce et découvrit que la rambarde du
balcon d'en face...
(à suivre...)
Dans les épisodes précédents...
http://jemedisais2.blogspot.fr/2013/05/la-guitare-seche-et-le-balcon-part-i.html
http://jemedisais2.blogspot.fr/2013/05/la-guitare-seche-et-le-balcon-part-ii.html
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5 comments
Très sympa !
RépondreSupprimerBelle écriture :)
merci ;)
SupprimerArghhhhhhh ! Faut pas finir sur un cliffhanger !!! La suite, la suite !!!
RépondreSupprimerben si... justement...
SupprimerOn prend le rythme et on attend la suite ! ça me donne envie de m'installer sur un transat au soleil, cocktail à la main et avec ce livre dans l'autre main...
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