La Guitare sèche et le balcon (partie V)
6/14/2013
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...fit
demi-tour et retourna sous ses draps. Ainsi va la vie. Les lumières
s'étaient éteintes, le moment était passé.
Le
lendemain matin, Max dormit plus tard qu'à l'accoutumée. Il avait
passé une mauvaise nuit et le peu de sommeil qu'il avait réussi à
trouver avait été perturbé par des rêves complètement farfelus.
Il était donc dans un état semi-comateux et un mal de crâne
pulsatile l'empêchait de bouger la tête librement. Il se leva
péniblement, se dirigea à tâtons vers sa cuisine, mais la lumière
qui régnait dans la pièce principale dont il ne fermait jamais le
grand volet roulant lui fit si mal aux yeux et au cerveau qu'il se
précipita pour le baisser et se retrouva dans une demie obscurité. Il avala un comprimé d'aspirine, seule réelle amie dans
ces moments-là, but un immense vert d'eau tiède puis fila sous la
douche, sous laquelle il resta longtemps.
Lorsqu'il
en ressortit, il se sentait nettement mieux. Il prépara son
petit-déjeuner et s'assit à sa table pour le déguster. On était
en pleine semaine, les gens étaient tous partis au travail ou en
vacances et malgré les fenêtres ouvertes, il n'y avait pas un bruit
dans tout le quartier. C'était étrange de ne rien entendre. Ces
derniers jours, il avait tellement été captivé par ce qu'il se
passait en face qu'il en avait oublié le monde extérieur. Il
s'était aussi habitué à entendre régulièrement de la musique, et
il se souvint de sa mère chantonnant ses sempiternelles vieilles
chansons lorsqu'il était enfant. Sa mère était une femme gaie
comme un pinson, légère, toujours de bonne humeur, et un joli
sourire restait accroché à ses lèvres même au réveil. En
vieillissant, elle avait garder ses yeux pétillants et sa façon de
le taquiner, ce qui donnait l'impression que son corps usé par le
temps n'était qu'un costume qu'elle mettait pour ne pas révéler au
monde qu'en fait elle n'avait pas vieillie d'un iota et qu'en vrai
elle avait toujours 35 ans... Souvent elle lui répétait avec ce
drôle de petit regard en coin qu'elle ne comprenait pas comment elle
avait pu faire de son fils une personne si solitaire et sérieuse
alors qu'elle était l'exact opposé. Max sourit. Elle avait pourtant
raison. Lorsqu'il était enfant, elle lui avait fait vivre mille
aventures toutes plus rigolotes et enchanteresses les unes que les
autres. Il se rappelait parfaitement de la joie qu'il avait en lui
chaque matin et chaque soir. En grandissant, elle s'était révélée
une piètre figure d'autorité, mais même une fois adolescent, il tenait tant à son sourire et aimer tellement voir sa mère joyeuse qu'il n'avait
jamais cherché à la faire enrager ou à pousser les limites un peu
plus loin. Il était toujours ébahi de voir comme elle pouvait
transformer une journée maussade en une petite fête. Elle aimait
s'entourer d'amis, inviter et être invitée, sortir, danser et
s'amuser. Et encore une fois, les années passées n'avaient pas
réussi à entamer sa vie sociale. Elle continuait à aller dans des
thés dansants, au cinéma, au théâtre et aux concerts. Elle avait
même fait au printemps dernier encore une des ces croisières pour
3e âge dont elle était revenue ravie. Elle s'inquiétait
peu du qu'en dira-t-on et avait décidé il y a longtemps de cela que
sa vie serait un amusement perpétuel. Et même lorsqu'elle était
devenue veuve, alors qu'elle était pourtant très jeune et Max jeune
ado, elle avait refusé de se laisser aller à la tristesse et au
désespoir. Il avait bien vu qu'à cette époque-là ses yeux
brillaient moins, que son sourire était moins large, l'entrain moins
facile et que ses mains semblaient comme vides et perdues. Mais petit
à petit, doucement, les étoiles étaient revenues et ses jolies lèvres avait recommencé à s'étirer de plus en plus. Seules ses
mains étaient restées vides et perdues à tout jamais.
A cette
époque, celles des étoiles éteintes, Max aurait tout donner pour
les voir se rallumer. Il avait délaissé ses livres pendant un temps
et s'était évertué à les rallumer une à une. Sa maman faisait
tant d'efforts pour tenter d'y arriver, pour continuer malgré tout à
ce que leur vie soit une fête, qu'il n'avait pas pu l'a laissé s'en
sortir seule. Il était même allé jusqu'à apprendre
la guitare pour que dans les moments les plus difficiles pour elle il
n'ait qu'à se mettre à en jouer pour l'aider à reprendre le
dessus. Pour elle. Seulement elle. Personne d'autre. Et personne ne
savait qu'il était un si bon musicien. C'était leur secret absolu. Il
jouait en fredonnant, elle s'approchait, faisait un de ces sourires
fatigués qui lui déchiraient le coeur, puis doucement se détendait,
se laissant envahir par les notes et elle finissait par chanter avec
lui. C'était une sorte de rituel entre eux, il commençait par des
chansons douces, puis accélérait le rythme petit à petit au fur et
à mesure que la tristesse s'envolait, pour que ça termine en
franche rigolade et en énormes câlins. Mieux que tous les discours,
c'était un code entre eux, et il avait toujours fonctionné. Max
avait travaillé uniquement les chansons qu'elle aimait le plus,
évitant celles qui étaient trop mélancoliques. Joe Dassin, Jane
Manson, Antoine, Michel Sardou, Michelle Torr, Serge Reggiani,
Georges Moustaki, Barbara, Jean Ferrat, Brel et même Johnny Halliday
et Sylvie Vartan n'avait pas de secret pour lui à cette époque. Le
préféré de sa maman, celui qu'il utilisait dans les moments les
plus durs, restait Nino Ferrer. "Mirza", "Les Cornichons", "Ho ! Hé ! Hein ! Bon !", "Le Téléfon"...
Que de souvenirs... Mais celle dont il avait usé et abusé était "Le Sud". Il commençait souvent par celle-là
d'ailleurs. C'était presque devenu leur générique. Et aujourd'hui
encore lorsqu'il allait la voir, elle la lui réclamait à chaque
fois. Alors il grattait sa guitare et les années disparaissaient.
A
ce souvenir, Max eut envie de la jouer. Il alla chercher sa vieille
guitare dans sa chambre et, assis sur le lit, commença à jouer les
notes et à fredonner. Arrivé à la fin de la chanson, il eut besoin
de boire et partit chercher une bouteille d'eau. En passant dans son
salon, il entendit...
(à suivre)
Dans les épisodes précédents :
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3 comments
Je viens de dévorer les 5 parties comment dire je suis fan vivement la suite....
RépondreSupprimerooooooooh !!! merciiiiii !!!!
SupprimerComme Oriane, je viens de lire les 5 parties à suivre et j'attends la suite ! Juste qu'il faudra vraiment que tu fasses relire ton texte si tu souhaites le faire publier... Je m'écorche parfois les yeux ! ;-)
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